Les réjouissances de Ferragosto...

Le 15 août est une fête importante en Italie, officiellement on célèbre Marie, dans les faits, c'est l'occasion d'une belle journée de plage (voire d'une semaine entière, tout est fermé ces jours-ci...) et d'un repas de famille gargantuesque. A Trevignano Romano, un bourg charmant aux bord du lac de Bracciano, à proximité de Rome, il est de tradition, comme dans de nombreuses régions de la péninsule, d'organiser une procession en l'honneur de la Sainte Vierge. Traditionnellement, les pêcheurs formaient cette sainte procession, éclairée de lampions et de lanternes  accrochés sur leurs barques.  Aujourd'hui véritable attraction touristique, la procession est ambitieuse... [Désolée par avance, pour les catholiques pratiquants qui ne pratiquent pas l'humour ou le second degré, cette partie est susceptible de vous heurter, je suis moqueuse en matière de religion...une indécrottable athée] Un groupe de prêtres et de personnages en soutane, plus ou moins identifiables, sont arrivés, précédés de la fanfare locale, à plein volume et comme de bien entendu, jouant faux (ce n'est pas une vrai fanfare sinon...). Ils portaient un tableau cerclé de loupiotes rondes, représentant la Santa Maria. Au début, j'ai cru que c'était elle que le  bateau amarré au bout du ponton allait promener sur les rives du lac. Non, non, pas d'inquiétude, ce n'était pas elle... La foule était très nombreuse (elle attend aussi le feu d'artifice qui suit la procession: il est réputé et cela est justifié, il est de toute beauté) et s'amassait autour du rivage. Le prêtre (ou peut-être vicaire, je n'ai pas très bien compris, personne ne le savait de toutes façons... ce n'était pas le curé du bourg en tous cas, trop âgé dorénavant pour cette messe à ciel ouvert) commença à chanter et nous assena une rafale de sermons. Puis tous commencèrent à réciter l'Ave Maria. Puis vint le moment du départ, le prête claironna alors: "Saluons par des applaudissements la Santa Maria [le tableau posé sur l'avant du bâteau pour la localiser...] qui commence la procession et va à présent à la rencontre de l'embarcation où se trouve la grande image illuminée de la très sanctissime Santa Maria". Impossible de vous décrire précisément le ridicule de la scène. Je faisais d'inimaginables efforts pour ne pas rire. C'était vraiment du style "attendez-nous-là, avec le tableau de Santa Maria, nous allons chercher la plateforme où se trouve la grande image illuminée de la très sanctissime Santa Maria, on revient! Priez pendant ce temps-là!" Le bateau s'éloigna comme la voix du prêtre qui continuait à répéter qu'ils allaient chercher "la grande image illuminée de la très sanctissime Santa Maria".

Un morceau de tarte de la mama, avant de lire la suite?

Nous attendions bien sagement là - plantés comme des piquets devant le lac impassible - que revienne "la grande image illuminée de la Sanctissime Maria" (désolée pour l'insistance mais je ne suis même pas dans l'exagération!) Elle revint au bout d'une petite demi heure, en son, en lumière et effet fumigène... Un air d'opéra, que je n'ai pas reconnu, une lumière orange, puis rose, puis bleu, et la voix du prêtre bien sûr. "La voilà, la très sanctissime Santa Maria, dans une nouvelle grande représentation illuminée, inaugurée cette année. C'est bien elle, elle est parmi nous. Elle nous regarde et nous protège de sa maternelle présence. La voilà qui avance, toute illuminée, sur ce lac qui nous rappelle l'eau de notre baptême. N'ayons jamais honte de notre naissance chrétienne! " La suite de plus en plus inaudible se perdit dans l'obscurité alors que la procession se dirigeait vers l'autre côté du lac. De petites barques décorées de lampions suivaient la plateforme monumentale qui changeait de couleur. Mais, aux dires de la famille du ragazzo, il y en eut beaucoup moins qu'auparavant. Ces pêcheurs faisaient pourtant tout le charme de la procession, selon la mama. Réduits à une peau de chagrin, leurs lanternes manquaient cruellement à la fête. Nous avons attendu bien longtemps que revienne l'équipage. C'était la condition pour que débute le feu d'artifices, ce que tous commencèrent à réclamer avec plus ou moins d'agacement. Un type qui était assis sur le muret, au dessus du lac, glissa dans l'eau. Cette chute comique (sans gravité) ainsi que le passage sur le rivage d'une sorte de loutre magnifique - de sortie elle aussi pour Ferragosto! - nous divertirent quelques instants. 45 minutes plus tard, la très sanctissime Santa Maria et la voix du prêtre revinrent et nous fûmes délivrés de l'interminable attente. Avec la santa maria, qui s'était "accoudée" au ponton, nous avons regardé tous ensemble le feu d'artifices. Très sympa, elle n'a pas bronché un instant de sa pieuse pose sur l'embarcation illuminée, même lorsqu'à la fin du spectacle, chacun est rentré chez soi (bel embouteillage et jurons à foison dans la circulation), sans daigner lui jeter un dernier regard.

Je dois être vraiment très peu sensible à l'émotion des processions ou au contraire trop sujette à l'humour involontaire de l'interprétation moderne des traditions religieuses...

Comments

[Gracianne]

C'est cruel de se moquer comme ca chere Peggy :) mais cela m'a fait beaucoup rire. J'espere que la Mamma du ragazzo ne lit pas ton blog...
Ceci dit, moi qui suis une athee irreductible, j'ai eprouve une emotion presque religieuse en visitant certains lieux saints d'Italie, nottamment des cloitres. Je ne sais pas pourquoi, sans doute les siecles de foi accumules dans ces lieux.

[mamina]

Autres pays, autres coutumes... parfois quand on est pas du coin, on a du mal à s'adapter, surtout je pense quand il s'agit de religion et qu'on ne se sent pas concerné.
Heureusemnt qu'il y avait le feu d'artifice.

[émilie]

ou c'est peut-être que te trouvant dans une situation où a priori il ne faut pas rire... les nerfs lâchent ;-)
mais si les feux d'artifice valaient le coup, alors c'est l'essentiel !