7/7/7: questions d'identité...
Voilà déjà quelque temps, Nonnapapera, Emilie et enfin KTY m'ont sollicitée, "taguée" pour révéler mes "7 vérités". Merci mesdames. En voilà donc un peu plus sur moi. A ma façon... ça tombe bien, j'avais envie de bavarder. D'une façon complètement inappropriée! Je vous préviens, ça risque d'être long, beaucoup trop long et pas du tout culinaire.
Le concept de "vérité" dans la blogosphère m'interpelle toujours beaucoup. Une page internet est-elle le reflet de la personne qui l'écrit? Beaucoup d'entre vous, qui ont franchi la frontière et organisé des rencontres auront envie de dire à l'unisson "Mais oui!... en vrai... comme sur son blog... encore mieux!... il/elle... génial... sympa.... super contact... on a tant de choses à se dire... pâte de pistache... échange de bonnes adresses... pique-nique géant... fève tonka... balades gourmandes... à refaire" Bien sûr! Mais à part ça, sans vous déposséder de vos belles expériences, quelle image de nous s'affiche sur l'écran du blog?
Présenter son meilleur profil, transpirer la sympathie, ne jamais se départir de sa bonne humeur, tisser des liens sur la toile, ressentir de la proximité, partager une "passion commune" avec des visages et des voix inconnus, avoir le sentiment de l'amitié. J'ai souvent du mal à me reconnaître parmi les autres. Dans le réel comme dans le virtuel. Pourtant dans la vie, mon identité méditerranéenne profonde, au delà même de mes racines italiennes, fait de moi une personne sociale, ouverte, volubile. Mais j'ai besoin de temps pour aller au delà de cette sociabilité de surface.
(Détail tombeau, Musée national romain, Massimo Alle Terme, Rome)
A un moment donné, l'illusion engendrée par le virtuel du blog, micro-sphère excessivement idéalisée, craque sous la pression des rapports sociaux. Ils nous rattrapent, ici aussi. Le désir humain d'appartenir au "groupe" et les aspirations à être reconnu, apprécié, aimé, mènent facilement à la surchenchère. De toutes sortes. Et puis il y a aussi des formes d'inégalités, des différences qui sont vécues comme des injustices: on est si facilement happé par les contraintes auxquelles la société "réelle" nous confronte. L'écran nous fédère et l'écran nous éloigne. Nous éloigne des formes. La forme de dire les choses. Moi, je parle avec les mains, les yeux, le sourire. Il y a des choses qui ne peuvent se dire à l'écrit. La conversation n'est que partielle.
Je ne suis pas douée pour suivre les tendances et les codes. A tort ou à raison, mon instinct m'y rend réfractaire. Même si cela frôle la caricature, dans une époque où chacun revendique son individualité, affirme sa "personnalité" au leitmotiv de "je suis unique", "reste comme tu es!", je le dis tout net: je cultive ma liberté. Tous différents, mais tous différents de la même façon, voilà la plaie. Je me méfie des mouvements, des courants. Je ne nie pas leur intérêt. Mais personnellement, je ne parviens à me reconnaître dans aucune catégorie. Cette posture n'est pas la plus simple à tenir. Sur la route, alors qu'on ne demande rien à personne, les jugements sont légion, comme les a priori. Surtout quand on n'a pas forcément envie de se justifier. Ou qu'en face de soi, on rencontre des êtres qui ne comprennent pas, ou ne souhaitent pas comprendre. La tolérance, voire l'empathie (soyons fous...) ne sont pas des qualités courantes. Mais est-ce que ça empêche d'avancer pour autant?
J'ai des colères démesurées. Sur des sujets parfois tellement secondaires, que ces poussées de rage semblent bien superflues. De l'énergie dépensée inutilement. Et pourtant. En matière culinaire, puisque c'est notre propos, je déplore le carcan de certains mots. Gastronomie, goût... comment les définissez-vous, vous? Parfois, je me demande si certains snobismes, signes extérieurs d'une étroitesse mentale caractérisée, ne conduisent pas à la définition d'un "gastronomiquement correct" qui exclut toute autre forme d'expression. Sous peine de passer pour une andouille. Une courge. Une dinde. Une désossée. Une mal dégrossie. Ai-je mauvais goût? suis-je à la page culinaire? Oui, non, je ne sais pas. Comme avec ces personnes qui vous jugent sur la marque de vos vêtements ou le prix de votre sac à main, je n'arrive pas à composer. Que voulez-vous...
(Détail plafond loggia, Palazzo Altemps, Rome)
Voilà un an que j'écris Ma Dolce vita. Dans la "vraie" vie, je suis journaliste. Je travaille et j'écris sur des sujets qui n'ont rien à voir avec la cuisine. Mais vraiment rien. (Et j'adore ça.) Il y a peu de temps, j'ai eu quelques contributions dans le domaine culinaire : ces cerises sur le gâteau sont autant de brèves respirations qui répondent à ma soif d'éclectisme. Je suis curieuse, j'absorbe, j'aime apprendre. Je ne me conçois pas comme un être fini. Je chemine.
Ce que j'écris ici est un fragment. Je regrette de ne pas avoir le temps de m'y consacrer davantage. Mais je m'efforce de le faire quand même, de donner du sens à tout ça. Pour que ça ressemble petit à petit à ce que j'ai en tête... Même si, pour l'instant, je garde en bouche le goût de l'inachevé. Il y a des creux, des failles ici. Des non-dits, parce qu'il m'est impossible d'expliquer trop, alors que parfois il suffirait juste d'en dire un peu plus. Un blog, c'est une représentation partielle de soi, une fiction imprégnée du réel. Une histoire. Les histoires me fascinent, elles me nourrissent. Les histoires des peuples, des sociétés, des cultures, des coutumes, des autres. Vos histoires. Et puis vivre aussi les miennes. Un jour, j'aimerai vous faire asseoir dans ma cuisine à Rome, vous offrir un espresso, et puis vous expliquer pourquoi je suis là. Vous regarder avec cet oeil-là et vous raconter quel paysage s'y reflète.
Photos de mon oeil (entre autres) et texte à rallonge complètement inapproprié (qui l'a lu?) de Peggy Picot
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